I. Les flammes rampantes...

Ah voila, je suis tombé sur la pire salamandre que cette terre ait jamais portée…

Une gorgée.

Il est au moins aussi paumé que moi, si ce n’est plus en fait.

Deux gorgées.

Eh ben s’il veut faire quelque chose de ses douze doigts je vais lui trouver quelque chose à faire moi !

Vraiment pas mauvaise cette bière… allez… une petite deuxième… après tout je peux pas oublier plus que ce que…que ce que je sais déjà plus… Je peux pas oublier plus que ce que je…que maintenant. Voila. Que maintenant.

Tiens c’est marrant je bouge au ralenti…comme dans le film là…avec le mec dans l’ordinateur…avec…avec les pilules…
Génial l’effet…

Tiens le revoilà …

« Moi ! Vais trouver un truc à faire. Toi… Non. A faire faire à toi…Ouais… Voila… Vais trouver un truc à te faire faire…à toi »

il me regarde avec des yeux en boutons de bottines.

« Tu peux faire des bulles avec ton nez ? »

Mais comment elle sait ça la greluche?

Bon, j'apprends des trucs intéressants, par exemple elle ne tient pas du tout l'alcool... Mais il n'empêche, elle m'a en quelques sortes donné un ordre direct. Je m'exécute de mauvaise grâce, forme quelques bulles avec mes narines et les laisse éclater devant le regard ravi et un peu trouble de mon invocatrice.

Génial, on m'a fait traverser le temps et l'espace pour jouer au clown avec une paumée imbibée... Remarque, c'est toujours plus amusant que la fois où un débile m'a invoqué au milieu d'un groupe de géants des collines et s'est barré en me donnant la consigne de me battre jusqu'à la mort. Trois mois d'hôpital, et pas un sou remboursé... Soit disant pas un accident de travail, juste les risques du métier. Tu parles...

Après quelques minutes de spectacle haut en couleur, je décide que ça suffit et me rabats sur ma bière. Elle veut me trouver des choses à faire? Grand bien lui fasse, au moins je ne me serais pas déplacé pour rien...

Je le regarde. c'est vraiment tordant...mais...mais...là... j'ai mal aux fesses...au nez...
et je suis...super... fatiguée là...
vais...dormir...
là... sur cette merveilleuse table poisseuse qui me tend les bras...
Je sens mon nez se fracasser une fois de plus sur une surface dure...

Enfin, elle pionce. Elle va encore râler quand elle va voir l'état de son nez, l'hémoglobine coule à flot et dégouline de la table. On apporte deux autres chopes, je les vide sans scrupules toutes les deux, après tout elle n'est pas en état. Et puis, pendant que j'y suis, j'achève de me pochtronner à coup de bières pendant que ma maîtresse semble rattraper en une fois ses nuits à étudier (sans grand succès apparemment) les grimoires de magie.

Enfin, sous l'oeil noir du tavernier, je l'embarque sur mon épaule et, braillant l'une des multiples chansons paillardes que je connais, je sors de l'auberge et vais m'affaler contre un mur pour cuver ma bibine. Elle se réveille vaguement, grogne, se pelotonne contre ma peau écailleuse, se pique, trouve un meilleur coin et se rendort. Moi aussi.

C'est rigolo finalement de servir une greluche.

J’ouvre les yeux...

Un pic vert cherche à sortir de ma boite crânienne…saloperie de bestiole.
Je n’aurais pas du boire…

Je suis affalée sur le coté avec un pied sur la joue, un pied puant, un pied de salamandre…

Mais comment je suis arrivée là ???

Ah oui…la fameuse invocation…et la bière.

J’aurais pas du boire.

Vu sous cet angle Kaev est encore plus étrange, il bouge et ce gratte…ce que j’espère être le ventre. Spectacle éprouvant pour un lendemain de cuite, croyez moi.

A partir d’aujourd’hui j’arrête de boire…

Lui aussi a bu comme un trou… et si je suis là avec un pied sur la tronche…c’est sûrement de sa faute… il m’aura balancé là comme une malpropre.

A la réflexion après la pierre et l’encablure de porte… un pied dans la face peut être considéré comme une nette amélioration…même s’il pue gravement.
…
Bon sang mais dans quoi il a marché ?

Je me traîne pour m’adosser au mur.

Mal de tête, Mal de nez, pas de souvenirs… de ce côté la pas d’amélioration.
Ça va encore être une sale… une très sale journée.

Ah, je note un point positif. J’ai deux chaussettes, dépareillées, certes…mais deux chaussettes, ne négligeons pas ce point de détail.
Une chaussette, ça peut être utile.
Y’en a qui passe des niveaux grâce aux chaussettes.

Je baille.
Encore un petit somme…
Vu le bruit d’excavation de mon compagnon de route je ne pense pas qu’on va la reprendre de sitôt, la route.

J’abat mon sac sur son ventre…au moins il ne pourra plus se gratter…et je m’endort, moi, mon nez fracassé, et mes chaussettes… (Si ça démange quelqu’un de rajouter quelque chose après « et mes chaussettes… » Envoyez moi une missive…)

Aïe.

Un truc lourd s'appuie sur mon ventre. J'entrouvre un oeil rendu glauque par l'alcool. Cette raclure a posé son sac sur moi. Je suis en général de mauvaise humeur le matin, mais si en plus j'ai bu, je me suis fait des noeuds dans les boyaux à cause de l'énervement et qu'en outre c'est moi qui ait payé la bibine, je suis carrément dangereux. Et me mettre un sac de magicien, sans doute rempli de saloperies magiques comme des boules de cristal et des baguettes magiques, sur mon corps d'athlète affaibli par la boisson, c'est tout sauf ce qu'il faut faire pour me relaxer.

Je suis un impulsif, moi. D'un geste, je me relève, fais glisser le sac au sol et donne un grand coup dedans. Comme par hasard, je dois cogner contre le seul truc-machin-bidulozinoïdal à inversion d'ondes mystiques contrôlée qui soit plus dur qu'un roc, ce qui réveille évidemment ma douleur de la veille au niveau de mon orteil, et augmente ma mauvaise humeur. Malgré tout, j'ai la satisfaction d'entendre un fracas de verre brisé provenant de son paquetage.

Elle se réveille en sursaut, me regarde d'un air moyennement réveillé, et cligne plusieurs fois des paupières. Là, je réagis. J'ai gaffé. Détruire le matériel de celui qui m'invoque est rarement conseillé si on désire conserver de bonnes relations avec son employeur. Je regarde ailleurs, avec du bol elle ne verra pas que c'est moi...

" ...je m'estime heureuse... ça aurait pu être ma tête. "

Je le regarde ...je sais pas s'il sait qu'il viens de casser une paire de lunette à 150 pièces d'or...

Je respire… de toute façon je les avais trouvées par terre…et elles ne m’allaient pas…j’avais une tête de mouche avec.

Réfléchissons…y'a quoi d'autre dans ce sac?
Du shampooing, un peigne, une plume bic sûrement, mon bonnet, et...à un paquet de chewing-gum. Et des lunettes en vrac à l'heure qu'il est. Ah ! Et une pâquerette.

« J’en déduis que tu es pas du matin … »
Encore un avec le complexe du corn flakes.

Bon, elle a grillé que c'était moi. En même temps, avec la forme grossièrement patatoïde de mon orteil, ça a du être assez facile.

Malgré tout ce que je lui fais subir, elle n'a pas l'air de m'en vouloir. Elle monte d'un point dans mon estime, c'est beau ce self-control. Ca lui fait un total de... un point.

Je m'étire, grogne un peu, et me prépare à poser la question habituelle: "qu'est-ce qu'on fait maintenant?" Puis je me ravise. Elle a l'air perdue dans ses pensées, pas du tout du genre à prendre des décisions. Je lève les yeux au ciel. Je connais cette expression. Elle veut qu'on parle. Je soupire, et me rasseois. Elle n'a pas l'air de vouloir engager le débat... Ah, les femmes. Je finis par me décider à poser la question qu'elle attend.

"Et v... toi, au fait... Quelqu'un t'attend, quelque part? "

Houla.

Il me pose une question piège là.

Si je lui répond oui, il va dire: super un endroit où pieuter.
Si je lui dit non, je passe pour la vieille fille toute paumée...sans famille...sans attaches...sans... argh.
je passe pour moi.

Mouais. Choix difficile.

" On m'attend nul part pour des choses agréables en tout cas... "

J’ai un doute, cette réponse n'est elle pas un peu...ambiguë?
non, c'est une salamandre. Et les salamandres n'ont pas l'esprit mal placé...

...

Je me trompe?

J'essaie d'extraire les différents sens possibles dans cette réponse. Non, ce n'est quand même pas... le sang me monte aux joues. Mais non, elle n'est pas comme cela. Malgré tout je la regarde d'un autre oeil.

Je lui accorde les attentions d'usage, genre tapotage d'épaule, regard entendu et soupir profond et sincère pour lui témoigner mon soutien. Puis, jugeant que j'avais là abattu toutes mes cartes de docteur love, je me redresse et lui tends la main pour la relever.

Je crois que la glace est rompue. La première pensée qui me vient en la regardant est que je pourrais bien m'amuser avec elle... Bon, la deuxième reste toujours l'interrogation sur la meilleure méthode de la faire disparaître avec un maximum de discrétion et de souffrances... On ne se refait pas.

Il a un air… compatissant. Si l’on omet le léger sourire vicelard sur la fin.

Je me lève, et m’éloigne prudemment…

Ça commence par un massage, après on boit comme des trous…on dort tête-bêche…
Et c’est l’escalade…on finit par ce raconter nos vies respectives.
Non, non, non. Pas question d’en arriver à de telles extrémités…

Reprends toi Enki !!!

« Je suppose que tu as pas une idée pour notre prochaine escale ?
Je ferais bien le tour des tavernes mais j’ai plus d’argent …et mon nez ne supportera pas de faire la connaissance de toutes les portes de rades du coin. »

Je le regarde.
Il attend patiemment et observe.
Je me retourne... Non, pas de doute, c’est bien moi qu’il regarde.
Il attend quelque chose,un ordre, nimporte quoi...
Je me lance.

« Partons vers l’ouest ! »

Ah! Enfin une décision!

Comme quoi, malgré le placement apparemment anarchique des cellules grises entre ses deux oreilles, son cortex fonctionne assez bien pour énoncer des choses relativement sensées...

Je veux la reprendre sur mes épaules mais me jette un regard noir en se tenant le nez par avance. Dommage, on aurait pu économiser des jours de marches pour arriver à... Pour arriver où, au fait? Voilà, c'est tellement rare qu'elle prononce une phrase qui ne mentionne pas une chaussette ou une banalité à pleurer qu'on accepte bêtement tout ce qu'elle nous dit dans ces cas-là.

Je ne veux pas passer pour le débile de service, alors je ne pose pas de questions.

Sur le chemin qui quitte le petit bourg, nous rencontrons en traversant les bois quelques groupes de voleurs de grand chemin, que je flambe en claquant des doigts. Elle la joue blasée, comme si c'était naturel. Très bien, on va voir comment elle se débrouille toute seule dans le monde réel, la greluche...

Quand un nouvel arrivage de coupe-jarrets débarque, je claque à nouveau des doigts, mais exécute ma petite mise en scène... Mes phalanges glissent, aucun claquement, et je pousse un (faux) hurlement de douleur.

"AAAAAAH! Je me suis cassé mon doigt magique! hurlé-je, mettant à profit mes cours d'art dramatique."

Je me laisse glisser au sol, pleurniche et ne porte d'attention qu'à mon membre soit-disant blessé... Enki me regarde avec des yeux ronds. Je me demande comment elle va réagir face à l'attaque des brigands...

Je le regarde.
Alors là, trois solutions.

Soit c'est vraiment la plus lamentable salamandre de tout les temps, parce qu’il faut avoir un certain potentiel pour se casser un doigt juste en les claquant…

Soit il a une guigne digne de ce nom, ce qui à le mérite d’expliquer pourquoi c’est lui qui a répondu à mon invocation… et pas une belette comme les douze dernières fois…

Soit il me prend vraiment pour une bille.

Il se roule par terre et se tiens le doigt en poussant des couinements ridicules.

Les trois solutions sont correctes, c’est sur…
On ne peut pas douter de son potentiel en le voyant se trémousser par terre ;
Il a une guigne phénoménale, c’est évident en voyant la patate qui lui sert d’orteil ;
Et il me prend indubitablement pour une conne car il n’a même pas les larmes aux yeux.


Pendant ce temps les bandits, eux, nous observent d’un œil hagard.
Ils sont payés pour détrousser et tuer - ou inversement selon les cas…et sûrement pas pour assister à une scène aussi affligeante.

Je les regarde. Ils hésitent et se poussent mutuellement vers nous.
Remarquez je les comprends ça doit pas être un boulot marrant tout les jours.
Surtout aujourd’hui…

Kaev arrête de gémir un instant pour me regarder avec son œil rond tout sec.
Les bandits s’enhardissent et avance de trois pas…en me regardant d’un air interrogateur.

Ouais. Ils attendent tous un truc de moi.
……….
Ben, ils peuvent toujours attendre !! Vais pas bouger une chaussette !!!
Comme disait le dernier de ma promo de magie avant qu'elle ne flambe par mes soins:« je vis ma vie depuis longtemps. Je connais son mode opératoire. » là, si je bouge…je le sais ça va mal se passer...
…

…

Hum… bon.
On va quand même pas moisir ici…
non pas que j’ai quelque chose de mieux à faire remarquez…

*Sourire victorieux*

Je recule en prenant un air paniqué
Mes yeux se fixent sur un point imaginaire à environs 1 mètre dans le dos des bandits.
Je relève ma robe en prévision de la fin de mon plan…
Et je hurle…
« AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHH !!! »

Et pendant que ces couillons de bandits vérifient l’état de leurs tympans… Je shoot dans Kaev pour l’exhorter à se relever et détale en courant sans me retourner…

Mais c'est vraiment la pire au monde! Je l'observe se carapater en portant ses lourdes robes dans ses mains, dévoilant une partie de ses jambes, partageant mon ahurissement avec les voleurs qui ont au moins le mérite d'être des mâles en possession de toutes leurs capacités intellectuelles. Je me demande si elle n'est pas un peu exhibitionniste, d'ailleurs...

Bon, évidemment ce moment touchant de complicité avec les malandrins ne dure qu'un temps, quand ils commencent à sortir leurs armes dans le désir de m'achever au sol je me fâche légèrement et carbonise leur âme et celle de leur famille jusqu'à la neuvième génération, histoire de me détendre.

Je me relève tranquillement, essuie les cendres, liquides physiologiques et autres morceaux et pulpes de ces pauvres diables qui recouvrent mon torse luisant de leurs traces rougeâtres, puis entreprends de retrouver ma débile de maîtresse, pour lui expliquer que:

1. quand on fait de la magie on balance des boules de feu et des éclairs dans la face des gens qui en veulent à notre bourse, et

2. qu'on ne donne JAMAIS un coup de latte à une Salamandre, surtout à terre, et en particulier à moi, si on tient à son intégrité physique et mentale.

Je fouille avec colère les fourrés et finis par en extraire ma greluche recroquevillée qui me regarde d'un air un peu hagard. Je fronce les sourcils, sans rien dire, et la dépose au milieu du chemin. Tremblant de rage, j'essaie de parler mais les mots s'étranglent dans ma gorge... Et m****, c'est elle qui va parler, je vais encore subir sa voix de poussin écrasé...

« Aïe ! mes cheveux !!! »
il me lache sur la route, et me surplombe de toute ça hauteur.
Encore une fois il n’a pas l'air heureux.

A en croire les cris de tout à l’heure et le bout d’os qui traîne sur son épaule les détrousseurs doivent être mort…

Donc j’avais raison.
« Tu m’as prise pour une truffe. »

Je me relève et rajuste ma robe.
Et me tortille dans une imitation de lui que je juge assez convaincante.
« Aie ! Aie ! Aie ! Mon doigt magique, ‘me suis cassé mon doigt !!!aieuuh !!....MON ŒIL OUI ! »

« J’aurais mieux fait de me contenter d’une belette… » Ajouté-je pour moi-même en tentant vainement de me recoiffer.

Son air légèrement vexé me plait, ça a pas été facile mais j’ai enfin réussit à obtenir de lui une autre réaction que ses petit yeux plissés qui semblent hésiter entre « griller ou saignant la donzelle ».

« Comme tu me juges incapable de rien… (Ce qui est pas tout à fait faux, me dis-je) alors maintenant c’est TOI qui va porter la culotte… au sens figuré apparemment… ».

Ca, c'est ce qu'on appelle se faire avoir en beauté.

Et voilà, la greluche n'est pas capable de diriger une aventure, donc c'est son compagnon invoqué (moi en l'occurence) qui doit mener la danse... En même temps, je trouve ça assez réjouissant, rien que m'imaginer en train de donner des ordres à la donzelle, j'en frétille...

Donc, je suis le patron... Ouais, d'accord, mais je suis sensé faire comment? Je n'ai jamais été autre chose qu'un serviteur... Remarque, diriger l'incapable qui est sensée me servir de maîtresse, ça ne doit pas être trop compliqué.

Je m'incline ironiquement, et commence à marcher vers l'Ouest, selon notre idée de départ. Après tout, avec de la chance, on tombera sur un gros donjon plein de bestioles à carboniser, avec des serviteurs à malmener, un grand méchant à vaincre dans un combat épique et un trésor prodigieux qui serait d'une extrême utilité à toute sorte d'aventuriers sauf à nous... Et avec encore plus de chance, l'un de ces rebuts de donjon aura peut-être l'opportunité de faire passer l'arme à gauche à Enki, qui sait?

Je le regarde comme deux ronds de flan… puis commence à le suivre connement.

Il m’a prise au sérieux.

Faut arrêter de rêver… il se serait casser encore une fois son stupide orteil plutôt que de me dire « je n’en ferai rien, maîtresse.»…mais quand même…

J’ai encore perdu une occasion de me taire…
Maintenant il affiche l’air supérieur du mec pour qui l’excès de zèle est une seconde nature…
Je me demande s’il n’a pas une idée derrière la tête…

Je traîne des pieds…

Il en a rien à carrer de ma pomme.

Il taille la route...il me lâche !
Il marche vite le bougre !
Bon sang mais il va où comme ça ? Boire un coup avec des potes ?????

Je trébuche sur une racine et part en avant en moulinant bien comme il faut avec les bras.

Je ne sais pas si ce brassage d’air à un jour empêché quelqu’un de se vautrer lamentablement sur une racine…. En tout cas aujourd’hui il ne m’a servi à rien.

Je m’étale de tout mon long sur le sol et la dite racine.

J’étouffe un blasphème et inverse le processus en priant pour que Kaev, assez loin, ne se soit aperçu de rien.
Peine perdu les dieux sont contre moi…ils doivent bien se marrer.

Je relève la tête avec les yeux pleins de larmes pour regarder la silhouette floue qui me surplombe.

« Aïeuuuuh ! (je renifle), j’en ai marre… »

Quel attendrissant petit visage... Je crois bien que si j'avais un coeur, ça me le briserait...

Mais qu'est-ce qui m'arrive? Voilà que je lui tends la main pour l'aider à se relever... Elle a l'air au moins aussi ébahie que moi (plus même, elle a quand même une tête de perchée cette donzelle). Je la remets (et délicatement, en plus! Je rêve...) sur pieds, et comme de bien entendu, elle se retrouve collée à moi. Respire, Kaev, respire mon vieux, on se réveille, ce n'est qu'une simple invocatrice, même si elle est mignonne malgré sa nullité, n'oublie pas que tu es une Salamandre... Elle n'a pas d'écaille, reste zen, tu ne dois pas rougir de la situa...

Trop tard. J'ai rougi. Et merde. Bon, l'avantage c'est que ça ne se voit toujours pas, et que, si coeur il y a dans ma cage thoracique emplie de bile et d'acide, il ne s'est pas mis à battre plus fort.

Je deviens dingue moi, voilà qu'un magnifique grand lézard rouge tel que moi commence à se sentir intimidé devant les yeux globuleux d'une magicienne parfaitement naze... Ca devient n'importe quoi cette histoire, je le savais que j'aurais du aller jouer chez Spielberg, à baver et à grogner devant une troupe d'humains terrifiés par mes grandes dents...

Je la repousse fermement, secoue la tête, et reprends la marche. Elle n'arrive toujours pas à suivre. Je la prendrais bien sur mes épaules mais avec le nombre de branches basses... Je doute qu'elle me considère de bonne foi si elle s'en prenait encore quelques unes (et elle s'en prendrait, n'en doutez pas...) Je recule, la prends par la main et la force à avancer plus vite. J'ai même l'impression que ses pieds ne touchent pas le sol, tellement je trace...

Allez, vivement qu'un nouvel événement vienne briser la monotonie de cette aventure stupide...

Je vole derrière lui, tel le cerf volant moyen…

Apres l’épisode de la racine j’ai préférer fermer ma… …bouche.
Mais là quand même... j’hésite … je devrais peut être lui dire… mais il est en train de me broyer le poignet avec tellement d’ardeur…

C’est pas que j’ai vraiment envie de l’aider mais après une heure à voleter derrière lui et à mater le paysage…un changement serait le bienvenu.

Allez va, je lui dis.

« Heu…s’t’eu plait ! »

Il trace.
Je m’éclaircie la gorge.

« Hum… OH oh ! »

Oh le bougre il accélère. Stupide salamandre joufflue.

« WOOOOoooooo ! »

Ah ! Quand même ! Il daigne se retourner.

« Y’a un truc là-bas » dis- je en montrant du doigt un truc là-bas.

Waaa. Mais c'est qu'elle peut servir à quelque chose! Grosse surprise pour moi, j'ai failli en crever. Qu'elle serve à quelque chose, hein, pas le truc. Parce qu'il y a un truc là-bas, comme elle dit. Un truc gros.

Très gros.

Trop gros.

Pourquoi il devient si gros?

Je me raidis. Ce truc grossit à une vitesse impressionnante.

Oh.

Je me détends. En fait, c'est un quidam qui avance dans ma direction, ce qui implique qu'il paraisse grossir. J'espère que la greluche n'a pas compris mon ignorance de la perspective.

Le quidam a l'air salement amoché. Il boîte, gémit, du sang et d'autres liquides encore moins ragoûtants dégoulinent sur son visage congestionné. Ses vêtements sont en lambeaux, et il a l'air d'avoir perdu une main, à en juger la manière qu'il a de serrer contre lui son moignon sanguinolent.

Je sens venir le piège. Il se traîne devant nous, me regarde rapidement, puis se tourne vers Enki, qu'il a apparemment du juger comme étant la plus proche de lui (et pourtant, c'est un humain, alors qu'elle on se demande à quelle espèce de larve elle est assimilée...), s'agenouille (ou plutôt s'écroule) devant elle et débite une tirade que je crois avoir déjà entendue des milliers de fois.

"Salutations, noble aventurière! "

Là, déjà, je me dis que le zigue est mal barré. Confondre le tas de loques apeuré qui le regarde en se demandant comment s'en débarasser au plus vite avec une noble aventurière, c'est à se demander si on ne lui a pas bouffé les yeux en même temps que la main...

" ...Je sors à peine d'un monstrueux donjon, où tous mes compagnons ont péri d'une mort atroce. Le seigneur du donjon... "

Qui je suppose doit être terrifiant...

" ...un être terrifiant... "

Gagné. Maléfique?

" ...maléfique... "

Mmh... et sans une once d'humanité?

" ...et sans une parcelle d'humanité... "

Pas mal, je frôle le carton plein... Je suppose que son nom doit être Agrazhor le Terrible ou Shnaelkaz le Monstrueux...

" ...nommé Pathanours le Rose... "

...sans commentaire.

" ...a juré de créer une arme ultime, un moyen magique et démoniaque pour gouverner le monde. Il a réussi a fabriquer... "

J'interviens:

"Un brouilleur de cerveau à échelle planétaire? Une machine de guerre dévastatrice? "

"Pire encore, messire lézard... Il a créé un engin du diable, une horreur sans nom, un... "

"Oui bon ben abrège, on n'a pas toute la nuit... "

"Euh... Il a créé une machine qui transforme le thé en café, et vice-versa. "

" ...pardon? "

"Mais vous ne vous rendez pas compte de la catastrophe?? "

"Euh...pas là, non... "

"Si les puissants de ce monde voient leur boisson matinale se transformer en exactement l'inverse, comment pourront-ils résister efficacement aux armées de démons, de morts-vivants et autres abominations qu'élève le maître du donjon?? "

"Bien vu...Parce qu'il est nécromancien, en plus? "

"Oui. "

"Ah... Bon, on s'en occupe. Bon courage pour vous trouver un médecin. "

Les paroles rituelles ont été prononcées, le quidam a validé l'acceptation de la quête et disparaît aussi vite qu'il est venu. Et Enki me regarde avec des yeux ronds, avec une expression difficilement identifiable...

"Ben quoi? "

Je l'observe.
Cligne des yeux.

Non, je ne rêve pas. Ce couillon viens d'accepter une quête.

Je le savais... il vaut pas mieux qu'une belette...une belette y réfléchirait à deux fois avant d'accepter ce genre de quête stupide.

"J'ai bien envie de te reprendre ma culotte. "

J'ai pensé tout haut.
J’aurais pas du.
Il va prendre ça dans le mauvais sens…le sens du bas.
Vite une idée.

« Tu vas quand même pas le faire ? »

Je regarde l’autre couillon, celui déchargé de sa quête à deux sous, qui s’éloigne en trissant du sang.

« Sérieusement… »

J’attends un signe de sa part les yeux pleins d’espoir…

Je la dévisage calmement. Je me retiens de sourire. Je crois que je vais bien m'amuser...

"Désolé d'avoir agi sans ton aval, maîtresse... Mais puisque tu m'as remis à ma place, je te laisse l'honneur de poursuivre ce travail. J'écouterai attentivement tes ordres à l'avenir... "

...et je compte bien te laisser en première ligne, achevé-je mentalement.

"Finir ce travail??? Non mais tu te payes encore ma tête!!! "
Je commence a partir dans la direction décidé : plein ouest !

« Je vais pas aller me faire pourrir la gueule dans un donjon miteux pour accomplir une quête stupide en compagnie d’un lézard à moitie dingue… J’ai assez de problème comme ça… »

Je suis par sure qu’il me suive… mais je ne me retourne pas ! Je vais sûrement pas lui faire ce plaisir! Je m’en fous !

Je me retourne en le pointant du doigt…de loin …il n’a pas bougé.

« C’est toi qui a accepté cette quête !...
Rien a foutre de ces conneries ! …De toute façon je bois pas de thé ! »

Je suis énervée, très….très énervée… c’est pas conseillé d’énerver un mage…même un mage comme moi… c’est instable un mage énervé… déjà que calme on me qualifie pas de stable… alors là !

Je ralenti le pas…
J’ai quand même un peu peur de sa réaction…
J’espère qu’il n’a pas une pierre à porté de patte… on ne sais jamais.

Je suis énervée...même si je ne sais pas trop pourquoi…si…si je sais...c'est à cause de LUI !

Je grommelle.

« Sale journée. »

Je jubile. J'ai vraiment réussi à l'énerver. Pauvre petite maîtresse écumant de rage...

Mais bon, ça a quand même l'air d'être mal barré pour le donjon. Surtout que je n'ai pas mon mot à dire, officiellement, c'est elle qui commande, je ne peux rien faire sans son aval. Elle ne veut pas sauver le monde? Tant pis pour elle, après tout mon monde à moi est très loin d'ici, que cette planète minable implose dans des gerbes de café démoniaque, cela m'indiffère totalement... C'est juste que je perds une occasion de me débarasser d'elle... Et dire que je la trouvais presque mignonne il y a quelques heures seulement...

Tiens, elle s'en va... Pfff, les femmes. La susceptibilité incarnée. Et que je suis énervée, et que c'est ta faute, et que tiens je me barre... gnagnagna... Comme si j'avais réclamé de me faire invoquer dans ce volcan pourri... J'essaie de rendre service, moi, je l'entraîne vers des aventures dont tous les aventuriers, tels les mages itinérants comme elle, doivent rêver... Elle peut se faire plein d'XP, monter des niveaux, gagner des trésorts et acquérir une réputation d'héroïne... Et elle préfère se casser, juste pour me contrarier...

Si je trouve celui qui a créé le sexe féminin, je jure que je lui balance une malédiction enflammée du neuvième cercle dans la gueule...

Bon, n'empêche qu'elle m'attend, là...Allez, plein Ouest, toutou va faire plaisir à maîtresse. Je me demande ce qu'il y a par là-bas...

Ah ! il se décide à bouger son...son...bref.
Et sans rien me balancer à la face...sans rien dire...sans grogner...
Sans même montrer une canine.
je suppose que l'on peut appeler ça un progrès.

Je le regarde en coin…il me rejoint au petit trot...ridicule son petit trot d’ailleurs.

Je me demande quand même comment j’en suis arrivé là…
alors…je me souviens de l’école de magie… ah oui et des examens… de la bière au goût de poule moisie ingurgite pour oublier mon échec cuisant…et….et…de l’incendie.
Ouais. Me souviens on était tous dehors…et c’est là que je suis partie.
Mais pourquoi je suis partie ? C’est quand même pas moi qui… ? Qui… ? argh.

Je me suis arrêté. J’en suis consciente. il me regarde avec ses yeux ronds.

« J’ai fais brûler l’école de magie… »
Je m’assoie sur une vielle souche en regardant le sol fixement.
J’en reviens pas …je suis en train de tout lui déballer…
J’en reviens pas… j’ai cramé l’école.

« J’avais un peu trop abusé de la piss…de la bière… et après… »
STOP ! Ne lui dit pas !!!!!
« Après j’ai pas fait exprès... Mais la boule de feu…pof ! Sur les rideaux… et après... »
Arrêtes toi Enki…arrête toi…
« Et après… il m’ont mis dehors… et je suis partie en disant que je pouvais faire quelques chose de bien quand même…que j’était pas… »
Je soupire.
« …tout juste bonne à invoquer des belettes. »
Je renifle.
« Alors j’ai pris ma chaussette sur le fil à linge et je suis montée en haut du volcan… Et te voila »

Je le regarde d'en bas pour essayer de comprendre son expression...suivant sa reaction je pleure ou je hurle.